Bien loin d’être un fleuve tranquille, la vie de l’association Oceaneye fut même particulièrement remplie ces derniers mois.
Remontons au début de l’été 2021 : alors qu’une météo quasi hivernale s’abattait sur la Suisse, provoquant des records de consommation de fromage fondu (autant se consoler comme on peut), Oceaneye était plutôt au régime « pasta » et larguait, sous la chaleur italienne, les amarres depuis Lignano (à l’est de Venise) pour un prologue de trois semaines. Un « tour de chauffe » avant l’expédition automnale de septembre, d’une certaine manière : Daisy, un voilier Grand Soleil 39 de 12 mètres, sortait ses voiles aux couleurs d’Oceaneye pour la première fois. Nombre d’entre vous ont vu, et visiblement apprécié (merci !), nos publications sur les réseaux sociaux au cours de la navigation. Au menu : des échantillons de microplastique, bien entendu, pour alimenter notre cartographie très peu fournie dans cette partie de la Méditerranée. Du haut de la mer adriatique jusqu’à Gênes, en faisant escale en Sicile, ce sont 28 échantillons qui furent prélevés.
Un des nombreux échantillons « bien fournis » prélevés
Puis Daisy repartit le 9 septembre de Marseille pour la partie automnale du projet, en faisant escale en Sardaigne et à nouveau en Sicile. De superbes panoramas pour le plus grand plaisir des navigateurs en herbe. Cette fois-ci, l’équipage revint avec 37 échantillons. Ceux-ci sont en cours d’analyse entre les mains expertes de notre laboratoire, mais une première observation à l’œil nu permettait déjà de confirmer la présence de microplastiques dans la grande majorité d’entre eux.

Parcours du prologue et de l’expédition 2021
Les conditions météorologiques ? De la mer d’huile à un mistral de face soufflant à 30 nœuds et ponctué de vagues de deux à trois mètres en l’espace de quelques heures, l’oreille interne et le confort des aventuriers les moins aguerris furent parfois malmenés.
Une surprise de taille marqua la dernière étape, en la présence de cétacés – probablement des dauphins de Risso – avec lesquels les passagers ont pu nager. Juste derrière se trouvait un placide requin longimane, que les baigneurs ont évité d’approcher – à raison car il peut parfois avoir un comportement nerveux. L’un d’entre eux ne manqua toutefois pas d’immortaliser brièvement – et un peu en panique – la scène dans la vidéo ci-dessous. Et vous, seriez-vous remonté.e à bord en vitesse comme lui, ou auriez-vous continué à l’observer ?
Visiteurs surprise
A l’issue de ces deux aventures, tous les membres des cinq équipages étaient unanimes sur l’expérience vécue – inédite pour certains : bien qu’éprouvante par moments, elle fut intense et mémorable. Chacun en a retiré une leçon, une philosophie, une ambiance conviviale, qui restera associée à cette navigation. Les témoignages de Didier et de Fabien (sous le nom « Un monde sous vide – le film ») sont déjà à lire sur nos réseaux sociaux ; celui de Ghislain sera tout bientôt disponible.
Les 16 membres d’équipage qui ont embarqué sur l’expédition 2021
Série marseillaise
La participation de l’association au Congrès mondial de la nature UICN à Marseille en septembre s’était invitée entre les deux parties de l’expédition. Cette dernière étant de toute façon prévue au départ de la cité phocéenne, les conditions étaient réunies pour qu’Oceaneye prenne part à l’événement, et avec succès, en récompense aux nombreuses heures de travail et à l’énergie investies. Plusieurs centaines de visiteurs – organisations à vocation environnementale, grand public, journalistes, scientifiques, partenaires potentiels – furent accueillis avec enthousiasme par notre équipe de choc au stand et sur le voilier Daisy. Pendant que le premier binôme présentait les activités d’Oceaneye et proposait aux congressistes d’observer des échantillons de microplastiques à la loupe (celui du peeling visage provoqua sans conteste les réactions les plus vives, et pas seulement chez la gent féminine), celui au bateau embarquait des passagers pour une sortie de démonstration d’échantillonnage au large du Vieux-Port. Ainsi, Oceaneye fut visible dans les médias grâce à IISD Earth Negotiations Bulletin, ePOP de Radio France Internationale, et au média environnemental Mongabay.com. A noter également le tournage à bord d’un documentaire sur nos activités, et dont la diffusion à la télévision vous sera bien entendu communiquée en temps voulu. Pour clore le tout, Pascal Hagmann, fondateur et directeur de l’association, donna au Pavillon Océans & Îles UICN une conférence dont le replay est disponible ici. Là encore, notre « journal de bord » de congrès est à lire sur nos réseaux sociaux.
Projets à foison
Daisy étant revenue à bon port début octobre, Oceaneye a une multitude de projets dans les cartons pour 2022. Outre le tournage dudit documentaire qui se poursuivra, nous aurons le plaisir d’annoncer prochainement de nouvelles collaborations, de nouveaux contenus, des projets pédagogiques créatifs d’envergure, et un énorme dont le premier indice est TDM. De quoi nous occuper encore de longs mois, pour notre plus grande joie !
Suite au prochain épisode !
Quelques chiffres
Distance totale parcourue : 3 400 miles nautiques (soit plus de 6 000 km)
Nombre d’étapes : 5 (Lignano-Catane, Catane-Gênes, Marseille-Cagliari, Cagliari-Palerme, Palerme-Marseille)
Passagers embarqués : 16
Echantillons collectés : 65 (28 pour la partie prologue, 37 pour l’expédition automnale)
Kilos de pâtes engloutis : non quantifiable 😀
Fun facts, ou la vie à bord
A l’arrivée à Catane, nettoyer le bateau de fond en comble pendant des heures, pour se réveiller le lendemain et constater qu’une pluie de cendres bien noires de l’Etna a couvert le voilier.
En pleine mer entre Marseille et Cagliari, le filet s’est coincé dans le safran du voilier, rendant la manœuvre de navigation impossible. Il a fallu plonger pour le décoincer, épreuve s’il en est pour notre skipper, phobique de la nage dans le grand bleu (eh oui !). Heureusement qu’il n’est pas instructeur de plongée.
On peut se laver à l’eau de mer avec du véritable savon de Marseille (reconnaissable à sa couleur verdâtre donnée par l’huile d’olive). Et c’est plus écologique. On vous déconseille d’essayer tout autre type de savon qui contient de la glycérine, sauf si vous avez envie de faire une désagréable expérience scientifique.
Des surprises autres que des microplastiques se trouvent parfois dans les échantillons, tels qu’hippocampes, un syngnathe très juvénile (rejeté à la mer car encore vivant), ou encore des pierres ponces provenant de roches projetées par les volcans lors d’éruption, probable vestige de celle du Stromboli au printemps dernier.
On peut entendre les cétacés chanter dans la cabine arrière. Quand ces facétieux daignent s’approcher du bateau – ce qui n’arrive pas tous les jours.
Il arrive que les dauphins décident de sauter hors de l’eau précisément quand vous êtes dans la cabine du bas.
Les chewing-gums contre le mal de mer marchent assez bien, et sont probablement le « truc » le plus efficace, selon l’auteure de ces lignes qui en a testé une palette.
Avoir le bateau amarré à côté d’un festival de musique techno-punk n’est pas une bonne idée – mais on ne peut pas toujours choisir.